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A notre princesse, à notre étoile, à notre Aimée
21 avril 2015

Lettre lue au cimetière le 21 avril 2015

 

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Ma douce Aimée,

Voici qu’est arrivé ce fameux mois d’avril. Le mois qui était au départ celui des promesses, de la joie et du mystère de ta venue. Mais la vie en a décidé autrement. C’est un bien étrange anniversaire que l’on célèbre aujourd’hui : celui de ta non-venue au monde en vie et celui des six mois de ton envol.

Chaque jour, ma princesse des étoiles, je pense à toi. Tu es et resteras pour toujours mon deuxième enfant et ma première fille. Nous avions avec ton papa imaginé une autre histoire. Nous avions des désirs, des rêves, des projets pour toi et tout s’est arrêté si soudainement, si brusquement. J’ai, ce 29 septembre 2014, senti le sol s’ouvrir sous mes pieds. Tout s’est écroulé autour de moi : la confiance en la vie, la joie de te porter, le bonheur d’être maman à nouveau. Mais il a fallu relever la tête et être forte pour toi mon Aimée. Toi qui n’avais rien demandé, toi qui grandissais en moi, toi qui étais notre fille. Je me suis laissée guider par mes émotions, mon ressenti et ce que je crois être mon instinct de maman. Je ne savais pas forcément ce que je voulais mais je savais parfaitement ce que je ne voulais pas. J’ai tout de suite senti qu’autour de moi, si je ne faisais rien, tu allais passer pour une simple fausse couche ou pire encore pour un banal accident. Cela, tu te doutes, je ne pouvais pas m’y résoudre. J’ai senti que ton papa était perdu, qu’il avait du mal à réaliser et à faire face. Je n’ai pas été plus forte que lui simplement je crois que, c’est parce que c’est moi qui te portais, j’ai su. J’ai su qu’il fallait te donner la place que tu méritais au sein de notre famille, de ta famille. A ce moment-là, tout s’est enchaîné dans ma tête. Il fallait que l’on te donne un prénom en lien avec ton histoire comme un symbole contre cette injustice. Il fallait aussi que ce prénom soit mixte car nous ne connaissions pas encore ton sexe. Il m’est apparu comme une évidence, une révélation : Aimée. Le plus exacte des sentiments que nous éprouvions pour toi. Un mot qui résumait tout. Il a fallu aussi que tu viennes au monde. Les médecins m’ont parlé d’un curetage car j’étais « dans les temps » mais une telle idée m’a horrifiée. Je n’étais pas malade, j’étais enceinte et ils voulaient m’opérer ! Non, impossible ! Tu devais avoir l’honneur de naître comme tous les enfants, comme ton grand frère. Je devais te mettre au monde. Ton papa n’était pas très à l’aise avec cette idée mais sachant que c’était le mieux pour toi et moi, je ne lui ai pas laissé le choix ! Finalement, il ne l’a pas regretté. Le plus dur a été de commencer à parcourir la législation et me rendre compte qu’en-dessous de 15 SA les bébés partis trop tôt n’avaient pas leur place dans le livret de famille. Pour moi, c’était un nouvel affront à notre statut de parents, un coup de poignard dans cette plaie béante. Comment pouvaient-ils penser que tu n’avais pas ta place ? Ce qui était encore plus dur c’est que tu n’aurais pas eu ta place pour quelques jours… Lorsque j’ai dit cela à ton père, il a tout de suite compris, sa douleur était telle qu’il n’a pu me dire que « Tu ne veux quand même pas attendre ?... » Mais si, je le veux. Ce qui l’a fait changer d’avis c’est lorsque je lui ai parlé du prochain enfant que l’on aurait et que je lui ai demandé si ça ne l’embêterait pas qu’il soit inscrit en tant que deuxième enfant. Là, les choses étaient différentes et nous sommes tombés d’accord, d’autant que le 18 c’était l’anniversaire de ton frère… Autour de nous, la famille et les amis ont eu pour la plupart beaucoup de mal avec tous ces souhaits. Ils trouvaient cela malsain, excessif voir même un peu maso. Mais rien n’avait d’importance hormis toi mon Aimée.

Les jours qui ont précédé ton envol, je les ai vécus pleinement avec toi. J’étais heureuse de te porter, fière de t’avoir en moi. Je t’ai fait écouter des musiques que j’aimais. Je me rappelle de deux chansons en particulier qui, aujourd’hui encore, me font penser à toi : Lemon tree de Fool’s Garden et The show must go on de Queen. Ces deux musiques sont passées plusieurs fois pendant les trois semaines qui ont précédé ton départ. Je les connaissais d’avant mais à ce moment-là, je les ai écoutés différemment et elles m’ont touchée au plus profond de moi…

Pendant ces trois semaines, je t’ai également raconté la vie : les arbres verts qui hébergent les oiseaux, le vent faisant danser les feuilles, les rayons du soleil réchauffant nos visages… Bref, ce que je voyais et ce dont tu serais privée à jamais. J’aurais aimé te faire goûter tous les plats que j’affectionne mais certains aliments n’étaient pas compatibles avec la grossesse et je souhaitais te respecter jusqu’au bout.

Je me suis également mise en quête d’un doudou, ce qui n’était pas une mince affaire car des tout-petits doudous ça ne courent pas les rues ! Finalement, je l’ai trouvé quelques jours seulement avant le 21. Le même jour que ta petite serviette brodée d’ailleurs. Ce si beau doudou plat qui était encore trop grand pour toi mais qui, lorsque je le regarde, me fait tant penser à toi, me réchauffe le cœur et me donne le courage de continuer à me battre pour la vie.

 

Et puis, il fallait bien, mais le 21 est arrivé. Ce fut une journée si particulière. Je n’en garde pas un mauvais souvenir mais je qualifierais cette journée comme hors du temps. J’ai essayé d’être digne jusqu’au bout mon Aimée. J’ai trouvé tellement difficile ma princesse de ne rien ressentir, de ne pas sentir ce vide en moi une fois que tu étais partie… Notre rencontre n’a pas pu se faire immédiatement et je m’en excuse auprès de toi. Je savais que je ne te verrais qu’une fois et peu de temps alors je ne voulais pas rater notre seule et unique rencontre. J’étais paralysée par cette fichue péridurale et ce jusqu’à 20h environ alors, ne pouvant me mouvoir à ma guise, j’ai préféré attendre pour te voir. Ton papa, lui, ne savait pas encore ce qu’il ferait. Finalement, c’est lui qui vers 20h30 ce soir du 21 octobre m’a demandée si on pouvait te voir ensemble.

Tu étais si belle mon Aimée, belle aux yeux de ta maman, belle comme une petite étoile envolée trop tôt. Personne n’aura jamais le loisir de te voir. Je ne pense pas montrer tes photos à quiconque, ils ne pourraient pas voir cette beauté que j’ai vu… Je n’ai pas osé te toucher ma princesse de peur de t’abîmer mais je t’ai frôlée et le doux baiser que j’ai posé sur ton linceul avant que tu nous quittes fut l’un des moments les plus intenses de toute ma vie.

 

Puis ce fut l’heure de la reconstruction, de l’acceptation de ton absence, de ce deuil impossible. Tu sais à quel point ce fut, non, c’est difficile ! Nous avons souhaité retenter d’avoir un autre enfant mais par deux fois cela a échoué. Tu as à présent deux petites poussières d’étoile à tes côtés, tu n’es plus seule…

Aujourd’hui mon Aimée, une page se tourne et j’ai à nouveau l’envie de Vivre et de dévorer la vie à pleines dents. Je n’ai plus rien à faire à ton égard car tu vis déjà en moi, tu fais partie de moi. J’avais le sentiment qu’en te laissant t’envoler, mon cœur s’était vidé mais c’était pour mieux se remplir de toi une fois la colère, la tristesse et l’injustice passées. Je suis désormais plus riche de toi mon Aimée, dans mon cœur et dans tout mon être.

Aujourd’hui j’ai accepté ton départ en reconnaissant à voix haute que je n’avais pas voulu tout cela et que si tout avait été différent, tu aurais porté un autre prénom que j’ose t’écrire tellement il est beau : Charlotte. Comme je suis heureuse d’être en paix dans mon cœur et dans ma tête. Comme cela me fait du bien de ne plus culpabiliser pour avoir voulu une autre vie que celle qui a été la tienne. J’avais peur qu’en acceptant ces rêves qui n’avaient pu être réalisés, je t’aimerais moins toi mon Aimée, ma fille. Mais c’est tout l’inverse. Je viens de faire le deuil de l’enfant rêvé pour t’accepter toi telle que tu es. Aujourd’hui je suis fière de dire que j’ai deux enfants, je suis fière d’être ta maman, je suis fière de notre famille à quatre qui est ma plus belle réussite.

Avec ton papa, nous avons le projet d’avoir un troisième enfant. Je ne sais pas quand nous commencerons mais je suis certaine que cela ne changera rien ni à l’amour que nous avons pour toi, ni à la place qui est la tienne dans cette famille.

 

Ma princesse, mon étoile, mon Aimée… ma toute petite fille, je te laisse t’en aller et reposer en paix. Je t’aime par-delà les étoiles d’un amour inconditionnel, d’un amour de maman.

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A notre princesse, à notre étoile, à notre Aimée
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